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En
1981, lors d'une interview accordée au magazine
Rolling Stone, Bono Vox déclarait : "Je ne
veux pas paraître arrogant, mais je crois que U2
va connaître une grande destinée. Avec les
Stones, les Who et les Beatles, il y avait une étincelle,
une alchimie, et je pense qu'il y o aussi quelque chose
de spécial chez U2. " Le leader du groupe
avait alors vingt ans. Deux décennies plus tard,
U2 s'est effectivement installé dans les mémoires
comme l'un des groupes majeurs des années quatre-vingts.
Majeur à plus d'un titre, car si la "bande
à Bono" a marqué son époque
du point de vue musical, le trio n'a jamais cessé
de défrayer la chronique, en participant à
d'innombrables concerts de charité, en cotoyant
des intellectuels notoires et en se rendant là
où il ne faisait pas bon se rendre. A tel point
qu'aujourd'hui, l'auteur des Versets sataniques, Salmam
Rushdie, qui vient de publier une nouvelle sur le rock,
cite volontiers U2 comme sa principale référence
en la matière. Du point de vue musical, on s'en
rend compte aujourd'hui, l'influence de U2 a été
considérable. La bande à Bono apparaît
à l'époque où les punks prétendent
enterrer les guitar heroes et tous les dinosaures qui
auraient par malheur survécu aux seventies. Du
courant punk, les Irlandais retiendront le meilleur: s'ils
sont loin d'adhérer au nihilisme des Sex Pistols,
ils s'approprient le désir de jouer une musique
spontanée, simple, qui ira droit au coeur du public.
Trois accords suffiront amplement. Prenez " New Year's
Day "... c'est tout con, mais c'est resté.
Ainsi, la musique de U2 va reposer d'abord sur la voix
de Bono et sur la basse d'Adam Clayton, tandis que The
Edge se chargera de créer les atmosphères
à partir d'un son tout à fait nouveau. On
a donc une section rythmique complètement dévouée
à un chanteur charismatique, à la fois candide
et grande gueule, et un guitariste qui s'oppose tout naturellement
à tous les faiseurs de démonstrations. The
Edge réinvente ainsi une autre approche de la guitare
: on peut parfaitement écrire des tubes, sans pondre
un seul solo. Néanmoins, il faudra attendre "
The Joshua Tree ", avant de voir la planète
enfin succomber au channe des Irlandais. Quatre ans plus
tôt, " War " a déjà fait
de U2 le groupe engagé que l'on sait, mais c'est
le cm-quième album studio, produit par la paire
Eno/Lanois qui va permettre au quatuor de passer des salles
moyennes aux arènes, avec deux singles classés
numéros un : " With Or Without You "
et " I Still Haven't Found What I'm Looking For ".
Depuis, U2 n'a cessé de grandir. Avec la tournée
" Zooropa ", on croyait bien que le groupe avait
atteint son apogée dans l'art d'éblouir
son homme, mais la dernière halte parisienne du
groupe a prouvé le contraire. Qu'on apprécie
ou non leur goût de la démesure, on est bien
forcé de se rendre à l'évidence :
U2 reste un des derniers groupes majeurs des années
quatre-vingts encore en activité.
L'histoire
de U2 commence en 1978, du côté de Dublin.
Comme souvent, dans un collège, le Mount Temple
Comprehensive School. Fans de Bowie, des Talking Heads,
de Patti Smith, et touchés par le punk, Paul Hewson
(alias Bono Vox), Dave Evans (alias The Edge), son frère
Dick Evans, Larry Mullen et Adam Clayton forment Feedback.
A l'origine, leur intention est de jouer des reprises,
notamment des Beatles et des Stones. Au sein du quintette,
Mullen est le seul à posséder des rudiments
techniques acquis au sein d'une fanfare. Difficile, dans
ces conditions, de soigner les reprises. Ainsi, très
tôt, le groupe rebaptisé The Hype s'emploie
à se forger une identité et un son. L'identité,
c'est quoi ? Une bande de copains qui veulent bouffer
la planète, mais qui doivent tout réinventer
parce qu'ils sont incapables de reprendre correctement
un morceau de Talking Heads avec, en prime, un leader
tout désigné, cette grande gueule de Bono.
Ainsi, soutenus par leurs parents respectifs, les membres
de The Hype cravachent dur pour écrire leurs propres
compositions. Des compos qui, visiblement, révèlent
un potentiel, puisque Tom McGuiness, manager dans le cinéma
et, accessoirement dans le rock, est immédiatement
emballé lorsqu'il vient les écouter pour
la première fois. C'est pas gagné pour autant.
Reste à convaincre les maisons de disques. Là,
c'est avec Bono qu'il faut compter, car c'est lui qui
se montre le plus habile, côté promo c'est
lui, entre autres, qui se charge de transmettre les bandes
démos aux journalistes du NME et de Sounds notamment.
Malgré quelques articles enthousiastes, The Hype
ne parvient pas à convaincre. Qu'importe ! Le groupe
organise de son propre chef sa première tournée
irlandaise, avec une date importante à Dublin,
puisque le groupe joue devant 2000 spectateurs un précédent.
Et une aubaine surtout, car Bill Stewart, enthousiasmé
par la prestation, décide de signer le groupe chez
Island. Peu avant la sortie de l'album, McGuiness tombe
sur le cul. Warner, alors distributeur du label Island
lui fait parvenir, en réponse à l'envoi
d'une démo datant d'avant la signature, une réponse
négative. La musique du groupe désormais
baptisé U2 ne les intéresse visiblement
pas ; pourtant, c'est bien cette major qui s'apprête
à sortir " Boy ", leur premier opus.
Ca commence très fort...
Avec
" Boy ", produit par Steve Lillywhite, U2 se démarque
à la fois des vieux cramoisis qui se masturbent sur leur guitare
et des pseudo-punks de la deuxième génération.
Côté textes, l'engagement du groupe n'est pas encore
une réalité ; Bono aborde les thèmes de son âge,
l'adolescence, ses joies et ses désillusions. Malgré
des cri-tiques enthousiastes, l'album ne connaîtra qu'un succès
mitigé. Le suivant, "October ", toujours mis en boîte
sous l'égide de Lillywhite, se révèle plus mature,
tant sur le plan musical qu'au niveau des paroles, davantage empreintes
de spiritualité. C'est que Bono a la foi, même si son
pays se déchire. Quelques mois plus tard, U2 se produit à
Belfast, en Irlande du nord. Un concert qui marquera les débuts
"politisés" du groupe. Bono y interprète un
nouveau morceau intitulé " Sunday, Bloody Sunday ",
qui fait référence au meurtre de 13 catholiques par
l'armée britannique en 1972. " Je ne répondrai
pas à l'appel de la guerre ", déclare-t-il en chanson.
C'est un événement, puisque, pour la première
fois, U2 prend position. Ni pour les protestants ni pour les catholiques,
mais pour la paix. Bono est plutôt bien placé pour aborder
le problème, son père étant de confession catholique
et sa mère protestante. Cependant, si U2 commence à
laisser entrevoir ses préoccupations "politiques",
son discours reste encore largement axé sur la musique ; une
musique qui, rappelle Bono, citant la guerre du Vietnam, a joué
un rôle dans le contexte politique, avant de perdre son sens.
Ce sens, Bono compte bien le lui rendre, en créant une musique
qui touche le plus grand nombre. Avec " War ", U2 signe
son meilleur album depuis ses débuts. Les textes sont plus
incisifs, parfois plus graves; quant à la musique, la rythmique
repose sur des hits plus dansants, tandis que Bono gagne en expressivité.
The Edge, pour sa part, affine ses lignes de guitare, tout en conservant
la sobriété de " Boy ". Aux EtatsUnis, on
commence à aimer ces Irlandais. L'album classé dans
le Top 10 américain se vend à 500 000 exemplaires. "
Under A Blood Red Sky " paru en 1984, marque la fin de la collaboration
avec le producteur Steve Lillywhite, auquel succède Tommy Irvine.
Alors que le premier avait tendance à mettre l'accent sur la
guitare et sur la batterie, le second conserve l'énergie live
du groupe, tout adoucissant la guitare de The Edge. En fait, avec
Irvine, c'est la basse qui se voit placée au premier plan,
permettant ainsi à The Edge d'insérer ses parties de
guitare atmosphériques. Enregistré au cours d'une tournée
américaine, dans l'amphithéâtre de Red Rock, le
mini LP à la pochette rougeoyante, caracole en tête des
hit-parades et est certifié platine deux mois après
sa sortie, tandis que " War " enregistre douze mois d'occupation
dans les charts. A la fin de l'année 1983, les membres de U2
se rendent au Japon pour la première fois, où ils assistent
à une exposition consacrée aux bombardements atomiques
de Hiroshima et Nagasaki une expérience qui aura une influence
déterminante sur la suite des événements.
Cependant,
tout n'est pas rose au sein de la troupe. Le groupe est
en effet préoccupé par son avenir financier,
ce qui l'amène à revoir son contrat. L'album
suivant, " The Unforgettable Fire " marque un
nouveau virage dans le choix de la production qui incombe
désormais à la paire Daniel Lanois/Brian
Eno. On s'attend alors à des changements radicaux
dans la musique de U2, notamment avec l'arrivée
de Brian Eno, alors considéré comme le père
de la musique ambiente. L'album, dont le titre fait référence
à l'exposition japonaise, est une surprise, dans
la mesure où la musique de U2 conserve sa fraîcheur
et son énergie. Côté textes, on commence
néanmoins à se demander si tout ça
n'est pas un peu facile. " Pride (In The Nane Of
Love) " et " MLK " (pour Martin Luther
King), bien que pavés de bonnes intentions, se
révèlent finalement assez gentillets. Les
U2 seraient-ils parvenus au bout de leur discours? Sorti
en octobre 1984, l'album se classe immédiatement
en tête des hit-parades. Commence alors une nouvelle
tournée pour U2, dont les temps forts seront les
concerts de Wembley (le Live Aid), du Madison Square Garden
(le groupe est alors élu " groupe des années
quatre-vingts " par le magazine Rolling Stone), du
Milton Keynes BowI et du Croke Park, à Dublin,
devant 55 000 personnes. De retour à Dublin pour
plancher sur un nouvel album, U2 décide de repartir
pour les Etats-Unis, afin de participer à la mini-tournée
baptisée " A Conspiracy 0f Hope ", destinée
à recueillir des fonds pour Amnesty International.
Y participent, entre autres, Sting, Peter Gabriel, Lou
Reed, les Neville Brothers, Bryan Adams et Joan Baez.
Une belle brochette de messagers aux yeux de Jack Healey,
directeur exécutif de Amnesty Intemational pour
les Etats-Unis. Sting, gentleman populaire et préoccupé
par l'environnement Peter Gabriel, dont le succès,
Biko, faisait référence à l'apartheid
en Afrique du Sud ou encore Joan Baez, folkeuse révoltée...
En somme, c'est l'association idéale pour représenter
Amnesty International. Quant aux U2, ils se hissent au-dessus
du lot. Membres de Greenpeace et militants notoires, ils
sont convaincus de leur impact : " Les jeunes aiment
la musique et s'intéressent aussi à ce qu'il
y a derrière. "
Avec
l'album suivant, "The Joshua Tree ", U2 réalise
le coup le plus fort de sa carrière. Produit par
Brian Eno et Daniel Lanois, il se différencie des
précédents albums par la densité
de chacun des titres et par son éclectisme, de
" With Or Without You " et " Where The
Streets Have No Name " au bluesy " Running To
Stand Still ". Quant aux thèmes abordés,
Bono passe en revue des sujets graves : la toxicomanie,
la mort d'un des membres de l'équipe de tournée
du groupe, la violence et, assez naturellement, la religion
-rappelons que trois des quatre membres de l'équipe
sont croyants. Le titre de l'album fait référence
à l'Ancien Testament, mais également à
cet arbre qui pousse dans les déserts du Sud-Ouest
américain (et qui fut baptisé par les Mormons
" arbre de prière "). Dans les charts,
l'album fait un malheur: numéro un en Angleterre,
lors de sa parution en mars, puis aux Etats-Unis en avril,
ce qui, là, constitue un véritable événement,
car les Américains se sont jusque-là montrés
timorés, en comparaison des Européens qui
considèrent depuis longtemps U2 comme un groupe
de premier plan. H faut ajouter que certains des litres
de l'album renvoient à l'Amérique son propre
visage, pas toujours flatteur; une image forgée
au gré des séjours de Bono aux Etats-Unis,
de plus en plus partagé entre l'Amérique
grande et belle et l'autre, sordide et inquiétante.
Dès lors, les irlandais entrent dans une nouvelle
ère. Cc ne sont plus des rockers qui plaisent,
ils sont devenus des rock stars qu'on adule partout. A
tel point que, lorsque Bono perd sa voix juste avant son
entrée en scène à Phoenix, Arizona
-début de la tournée américaine,
c'est la foule qui assure le remplacement au pied levé
et à la plus grande surprise du chanteur. Désormais,
Bono est une super star, voire même un saint pour
une partie du public. Après tout, c'est lui qu'on
entend chaque fois que le rock entreprend de lutter contre
la misère et la guerre ; c'est lui qui a fait un
séjour à but humanitaire en Ethiopie avec
sa femme ; et c'est sans doute le musicien qui a rencontre
le plus grand nombre d'intellectuels de la paix ".
Résultat : 14 millions d'albums vendus. Rivalisant
malgré lui avec Saint Patrick, Bono avance que
ce statut lui fait peur, qu'il ne se considère
pas comme un héros. Pourtant, à ce stade
de la carrière de U2, on a l'impression que Bono
a tout fait et tout donné pour atteindre ces sommets.
On a du mal à le croire sincère...
"
Rattle And Hum ", huitième album de U2, produit
par Irvine -le revenant- se charge justement de rappeler
l'histoire du groupe à ceux qui, sûrement
rares, auraient raté quelques épisodes.
Au programme de ce double, neuf compositions nouvelles,
des prises live, des reprises telles que " Star Spangled
Banner ", " AIl Along The Watchtower ",
et des collaborations notoires (Bob Dylan sur " Love
Rescue Me ", coécrit par Bob en personne,
" When Love Cornes To Town ", enregistré
dans les studios de Memphis, avec B.B. King). Dans le
même temps sort le film portant le même titre
(Rattle And Hum) : un carton phénoménal
aux Etats-Unis et au Canada, puisqu'il devient la plus
grosse vente de films. Tandis que le single " Desire
" atteint la première place aux quatre coins
de la planète. C'est une première pour U2.
Le groupe se rend au Dominion Theater à Londres,
pour y enregistrer une émission télé
Smile Jarnaica, destinée à venir en aide
aux habitants dont le pays vient d'être ravagé
par un ouragan. C'est l'occasion pour U2 d'ajouter deux
noms prestigieux à leur répertoire Keith
Richards qui se joindra au groupe sur " When Love
Cornes To Town " et Ziggy Marlcy sur " Love
Rescue Me ". Fort de plusieurs récompenses
(dont deux Grammy Awards : meilleur album, meilleur concert),
U2 entame une nouvelle tournée, baptisée
" Lovetown " en septembre 1988, qui les mène
en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Japon.
Du 26 au 31 décembre de l'année suivante,
le groupe donne quatre concerts, histoire de fêter
la nouvelle décennie -et l'ancienne, qui fut la
leur en point d'orgue, celui du 31 à Dublin, qui
sera retransmis dans toute l'Europe et dans les pays de
l'Est. A cette occasion, Bono, jamais à court de
bonnes manières, dédie le morceau "
Pride (In The Name 0f Love) " à tous "
les habitants de l'Allemagne de l'Est, de Pologne de Tchéquoslovaquie
et de Roumanie plus particulièrement. " L'
audience sera estimée à plus de 500 millions
de téléspectateurs.
Virage
pour le moins délicat que celui du saut dans la
nouvelle décennie. Ça fait trois ans que
le groupe n'a pas sorti d'album. Entre-temps, le paysage
musical a considérablement évolué.
En Angleterre, on parle beaucoup des Happy Mondays et
de leur cocktail dance/guitar music à New York,
les Sonic Youth réinventent le rock expérimental
en désaccordant leurs guitares Nirvana s'apprête
à faire un tabac l'année suivante avec "
Nevermind ", tandis que Rage Against The Machine
sème la fusion partout sur son passage. Pour commencer,
U2 choisit un titre révélateur de leur inquiétude,
" Achtung Baby ", explicite manière de
haranguer la foule endormie après trois ans d'absence
discographique. Quant au contenu, il traduit ce qu'on
pensait : la moitié des titres de l'album repose
sur des beats électroniques inspirés du
hip hop ; on y trouve également des titres à
caractère expérimental tels que " Who
's Gonna Ride Your Wild Horses " ? Ce nouvel album,
plus intimiste dans les textes, prétend ainsi rassurer
la planète: U2 n'a pas décroché,
U2 continue de coller à son temps. La tournée
qui suit, intitulée " Zoo TV " s'annonce
comme un des événements musicaux majeurs
de ce début de décennie. Aux Etats-Unis,
le groupe fait appel à la société
Fisher Park, qui a collaboré avec les Stones sur
la tournée " Steel Wheels " et avec Pink
Floyd sur " The Wall ". Ainsi, trois semaines
de pré-production seront nécessaires, afin
de peaufiner les concerts dans leurs moindres détails.
Comme prévu initialement, chaque concert apporte
son lot de surprise. Au cours du concert de Auburn MilIs,
dans le Michigan, Bono commande 10.000 pizzas à
Speed Pizza ; une centaine de pizzas parviendront une
heure plus tard. A Vienne, AxI Rose, leader des Guns,
se joint au groupe pour interpréter la version
acoustique de " Knockin' On Heaven's Door ";
à Vincennes, ce sont Steven Tyler et Joe Perry
qui font une apparition inopinée durant le concert
de U2. Quelques semaines plus tard, Bono fait encore parler
de lui, mais hors scène. Flanqué de Public
Enemy, Big Audio Dynamite II et Kraftwerk, il se produit
à Manchester dans le cadre d'un concert de protestation
contre la centrale nucléaire de Sellafield. Le
reste de l'année sera marqué par quelques
rencontres prestigieuses : U2 et le candidat BilI Clinton,
U2 et Pavarotti, U2 et Zucchero, etc. En janvier 1993,
on verra même Clayton et Mullen se joindre à
REM pour interpréter une version acoustique de
One. Au terme de ce périple, 132 peut se vanter
de conclure l'une des trois plus importantes tournées
de l'histoire du rock, puisque ce " Zoo TV "
a engendré près de 67 millions de dollars
(soit 400 millions francs), ce qui les place juste derrière
les Stones et New Kids On The Block. L'album suivant,
" Zooropa ", s'inscrit dans la continuité
de la tournée. Suivant les conseils de Brian Eno,
U2 envisage ce nouvel album sous l'angle de l'improvisation.
Le groupe n'a qu'à se nourrir de l'énergie
de la tournée pour réaliser un album spontané,
à caractère expérimental. On s'attend
à ce que la vision d'Eno empiète sur la
qualité des chansons. Pourtant, l'album recèle
une fois de plus des morceaux à l'impact certain
tels que l'hypnotique " Numb " ou " Daddy's
Gonna Pay For Your Crashed Car ". A noter également
la collaboration de Johnny Cash sur le titre " The
Wanderer ". Comme la tournée précédente,
le " Zooropa Tour " déploie les grands
moyens entre autres des retransmissions en direct de Sarajevo
qui permettent aux habitants de s'adresser au public ou
l'entrée en scène de Salman Rushdie, lors
du concert de Wembley, devant plus de 72 000 personnes,
tandis que Bono rougeoie dans sa tenue de McPhisto. Avec
la B.O. intitulée " Passengers: Original Soundtracks
", U2 renvoie l'ascenseur, en quelque sorte, au producteur
Brian Eno, car le son et les ambiances de l'album s'apparentent
davantage à la vision d'Eno qu'à celle de
U2. Dans ce cas, il n'est pas question de faire du son
gwriting, mais de laisser jaillir la musique et de l'enregistrer
telle quelle. Pour la première fois, Bono s'essaie
même à la batterie.
L'album
suivant, " Pop " marque la fin (provisoire ?) de la collaboration
avec Brian Eno. En fait, c'est le premier album enregistré
sans Eno depuis treize ans, ce qui constitue un défi intéressant
pour ces Irlandais qui ont tout fait ou presque. Cette fois, les sessions
commencent sous l'égide de NelIee Hopper (Bjork, Madonna),
fondateur de Soul II Soul, avec la collaboration de Howie B. Accouché
dans la douleur, " Pop " ne se présente pas comme
" un album de guitare ", comme le souligne The Edge. "
Le rock 'n 'roi! est un état d'esprit, ce n 'es! pas simplement
une question de style de guitare. " Effectivement, avec "
Discothèque ", premier single, et " Mofo ",
aux sonorités technoïdales, on est bien loin de la guitar
music. Certains titres tels que " Miami " et " The
Playboy Mansion " flirtent même avec le trip hop. Et même
si U2 nous réserve tout de même quelques morceaux résolument
rock (" Last Night On Earth "), l'album est profondément
ancré dans ce qu'on appelle les " musiques nouvelles ".
Pour la tournée, U2, comme à son habitude, met le paquet.
Un écran géant, le plus cher jamais conçu, une
scène immense équipée d'une longue avancée
vers le public un jeu de lumière impressionnant ainsi qu'un
citron mobile dans lequel apparaîtront les membres du groupe,
déguisés en Village People. Au cours de la tournée
américaine, la presse évoque un désastre financier
et le licenciement de certains responsables de la maison de disques
américaine. U2 ne remplirait plus les stades. D'après
Island, le problème s'est situé davantage au niveau
du lancement, en ce sens que l'album était censé se
classer directement numéro un, ce qui ne fut pas le cas. En
France, quoi qu'il en soit, il est difficile de parler de fiasco,
" Pop " ayant vendu pas moins de 300 000 exemplaires. Considéré
comme LE groupe des années quatre-vingts, U2 n'aura, en fin
de compte, pas moins brillé au cours de la décennie
suivante. En attestent les moyens que le groupe a mis en oeuvre pour
organiser des tournées-événements ; en attestent
également les chiffres de ventes phénoménaux.
Chaque album s'écoule à plusieurs millions d'exemplaires
dans le monde. Sans compter que U2 continue à vendre 10 000
exemplaires de " War " (pour ne citer que celui-ci) tous
les ans. En atteste enfin l'engouement des fans du groupe, car pour
ceux-là, il est clair que l'histoire de U2 n'est pas qu'une
simple histoire du rock'n'roll, mais quelque chose de plus profond.
Une prise de conscience. En cela Bono fait plutôt figure de
visionnaire, surtout quand on repense à sa déclaration
dix ans plus tôt : " Ce groupe a une grande destinée.
" Reste à savoir, à présent, comment ces
Irlandais, passionnés de musique, préoccupés
par le monde qui les entoure, parviendront à passer le cap
du troisième millénaire. Achtung, babies !
La
tournée passera par Sarajevo, avant d'atteindre le Mexique
où U2 filme le concert pour la chaine US 'Showtime' (concert
qui sortira en vidéo), puis pour finir en Afrique du Sud,
à Johannesburg. En 1998, U2 participe au single 'Perfect day',
avec Lou Reed et une pleiade d'artistes, puis fait une apparition
dans le 200ème épisode des 'Simpson', intitulé
'Battle Of The Titans'. Quelques mois plus tard, sort la première
compilation 'U2 The Best Of 1980-1990', et une deuxieme version réenregistrée
de 'Sweetest thing'. L'album est accompagné, en edition limitée,
d'un second CD, contenant une compilation de face-B. Une cassette
video de clips accompagne le Best Of. La
fin du millénaire approchant, Bono réalise son projet,
un projet vieux de 13 ans : celui de voir le scénario qu'il
a écrit, intitulé 'The Million Dollar Hotel', réalisé
par son ami Wim Wenders. Le film sort le 24 décembre 1999,
et raconte l'univers tranquille de quelques simples d'esprit qui
résident dans le Million Dollar Hotel, qui va être bouleversé
par la mort de l'un d'entre eux. Meurtre ou suicide, telle est la
question que devra élucider le détective Skinner (Mel
Gibson). La bande originale du film sort en même temps, et
contient 'The Ground Beneath Her Feet', un superbe morceau sur des
paroles écrites par Salman Rushdie. Bono s'investit très
largement dans la campagne du Jubilee 2000, qui demande l'annulation
de la dette des pays du tiers-monde. Chacune de ses apparitions en
public enfonce le clou un peu plus fort, et il n'hésite pas
à interpeller les chefs d'états du monde entier à
soutenir cette cause.
Pendant
ce temps, le nouvel album du groupe est en préparation. U2.com,
le site officiel, est mis en ligne au début de l'été,
et livre bientôt des extraits du futur opus, All That You Can't
Leave Behind, qui promet un retour aux sources et au rock minimaliste
de la première décennie. Exit la technologie, les loops
et les collaborations avec les Lords de la dance et du hip-hop. On
rappelle même Steve Lilywhite au mixage de certains titres,
et en septembre, sort le 1er single intitulé 'Beautiful Day'.
Pas de doute, le rock est de retour. Avant même la sortie de
l'album, au beau milieu des apparitions TV à Top of The Pops,
MTV et Saturday Night Live, U2 démarre à la surprise
générale une mini-tournée promo qui passe par
Paris (un show très V.I.P.), puis l'Irvin Plaza de New York
(bien meilleur que celui de Paris), et enfin l'Astoria de Londres.
U2 rafle rapidement Grammys et Brit Awards rien que pour Beautiful
Day, et de nombreux prix décernés par plusieurs pays.
L'album est n°1 en Europe et aux Etats-Unis, et c'est dans l'esprit
de 'redevenir le plus grand groupe de rock du monde' que l'Elevation
Tour 2001 démarre en mars en Floride, pour une tournée
en salle sans artifices, 'ou seule la musique compte'. Pas de citron
géant ce coup-ci ... Rien que du rock. Une tournée
devenue sold-out très rapidement, tous les tickets pour les
concerts européens sont liquidés dès leur mise
en vente, si bien que des dates supplémentaires doivent être
constamment ajoutées. Les 80.000 places pour le concert à
Slane sont vendues en 45 minutes, et la tendance mondiale est identique.
Les places s'arrachent sur Internet, le marché noir explose,
un phénomène devenu classique pour les tournées
de U2. Mais les efforts des fans seront vite récompensés.
Des concerts intimes, d'un maximum de 25.000 personnes, avec une
scène permettant au groupe de se déplacer dans la fosse.
Les 300 premières personnes à pénétrer
dans la salle peuvent également se retrouver dans une sorte
d'enclos en forme de coeur, où on a l'impression de voir U2
dans un petit club. Bref, tout est fait pour y préserver l'intimité.
En avril, U2 participe à la bande originale du film 'Tomb
Raider', avec le titre 'Elevation'. Bono, Gavin Friday et Maurice
Seezer (le trio gagnant de la B.O. du film "In The Name Of The
Father / Au nom du pere") enregistrent également une
reprise de T-REX 'Children of the Revolution', pour le film de Baz
Luhrman 'Moulin Rouge'.
Pendant
ce temps, la tournée inonde les Etats-Unis (50 dates), puis
l'Europe (33 dates), avec notamment 2 concerts à Paris-Bercy,
et 2 concerts à Slane de 80.000 personnes chacun, avant de
retourner aux Etats-Unis en octobre (30 dates), en plein conflit
contre le terrorisme des talibans. L'Elevation Tour devient la deuxième
tournée la plus lucrative de tous les temps (109,7 millions
de dollars), juste derrière le Voodoo Lounge Tour des Rolling
Stones en 1994 (121,2 millions de dollars). A peine la tournée
achevée, et juste après la sortie de la vidéo
'Elevation Live From Boston', Bono annonce que U2 repart pour une
deuxième tournée européenne dès l'été
suivant. Le planning du groupe est dès lors des plus surbookés
: on les voit à diverses occasions aux Grammys, au Meteor
Irish Awards, et surtout à la mi-temps du Superbowl : Bono
s'investissant de plus en plus dans des causes telles que le Jubilee
2000, le besoin d'avoir l'opinion américaine de son coté
est nécessaire. Bono fait la couverture de Time magazine,
qui titre Can Bono save the world ?. Un slogan qui en dit long, à
l'heure où politiques et négociateurs de tout poil
n'arrivent plus à venir à bout des conflits mondiaux
qui se multiplient. Cet investissement personnel commence d'ailleurs
a peser lourdement sur le groupe, qui souffre des absences répétées
de son chanteur. Larry est le premier à en faire part, comparant
U2 à une table, dont l'un des pieds commence à manquer.
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